Un carnet de voyage, ça a quelque chose de très personnel. Tout comme un récit de course d’ailleurs. Mais j’aime aussi en partager quelques pages, quelques extraits, quelques instants. Je vous ouvre ici celui de ma récente aventure thaïlandaise avec Sissi.
Dimanche 13 novembre 2016, 14h18 heure française, dans les airs au-dessus de Minsk
J’ai rendez-vous en terre inconnue. Un rendez-vous non prévu, non programmé. Voilà bien la première fois que je me retrouve dans un avion et que je n’ai ni choisi la destination, ni choisi le jour et l’heure. C’est grisant…
A peine deux mois après être rentrée du Canada, me revoici donc en vol pour des sentiers inconnus. Entre deux fuseaux horaires. Sans savoir s’il faut dormir ou veiller. Oui, c’est grisant…
Lundi 14 novembre 2016, 17h57, Chiang Mai, Thaïlande
J’ai regardé, j’ai observé comment elles mangeaient mes voisines d’avion. La cuillère à la place de la fourchette. La fourchette à la place du couteau. Et j’ai mis les piments en sachet dans mon riz, des espèces de cornichons. Je n’ai pas regretté. Spicy. Mais bon. En revanche, la gelée bizarre en dessert, je me suis abstenue. Trop c’est trop !
Le vert est arrivé au hublot. Du vert partout. Et un reflet or. Un bouddha j’en suis sûre. Pour m’accueillir. Un temple posé sur une montagne. J’ai le sourire des grands jours. J’ai atterri. La belle vie !
En flânant seule en ville avant la nuit, jus de mangue à la main, j’ai croisé marchands de rue (tiens des nouilles), déambulé dans le marché caché dans un hangar au coin de la rue, découvert des temples partout, acheté une brosse à dents au 7 eleven (quelle nouille !), traversé en m’imposant au milieu des deux roues (même pas peur).
Il y a des chances pour qu’on s’entende bien toi et moi Chiang Mai. Il y a des chances…
Mardi 15 novembre 2016, 0h33, Chiang Mai, Thaïlande
Cette ville est pleine d’énergie. Ca grouille, ça klaxonne, ça marche, ça crie. Mais elle sait aussi être paisible. J’ai l’impression d’être noyée dedans. Et ce soir la magie a opéré. En longeant la Tha Phae, l’artère qui débouche sur la rivière Mae Nam Ping, je suis guidée par les lanternes. Les temples se dévoilent les uns après les autres. On peut entendre les psalmodies des moines en toge orange. Des offrandes, des bougies illuminent la nuit. Et dans le ciel, de plus en plus de lanternes blanches qui, avec la lumière du feu, parent le ciel d’orange. On dirait des étoiles. C’est féérique. Yi Peng, la fête des lanternes a lieu lors de la pleine lune de novembre. Et c’est ce soir.
Mercredi 16 novembre 2016, 11h23, Chiang Mai, Thaïlande
Prendre le temps. Quelle journée incroyable hier. Difficile de dormir après tout ça. Doucement, j’ai déambulé dans tous les temples bouddhistes de la ville. Assise devant les statues dorées, sur mes talons. Je pense. Et je profite. Les dorures éblouissent, les toges oranges des moines sont comme intemporelles. Le calme règne malgré les nombreux touristes. Il fait une chaleur assommante. Je passe ma journée à boire des jus de mangue frais préparés à la demande dans la rue.
Mercredi 16 novembre 2016, 16h45, Chiang Mai, Thaïlande
Le temps passe. La course se rapproche. Hier j’ai dévoré mes premières pad thai. Mais le diner était d’un tout autre niveau. Sébastien, l’organisateur de la course, nous a emmené dans un fabuleux restaurant au bord de la Mae Nam Ping. Un enchainement de plats succulents qui nous passaient devant les yeux. Et ces offrandes faites à la rivière… De petits assemblages de fleurs, d’encens et de bougies que l’on a fait flotter et dériver lentement. Dans la nuit, cela donne un réel côté mystique. Il faut faire un voeu et l’offrir aux Dieux.
Et bien sûr j’ai fait connaissance avec ma colocataire et partenaire de course Sissi. Sympathique, dynamique, souriante et toute jolie. Ca va être « sanuk » (amusant) de courir ensemble !
J’ai un peu de mal à dormir le soir. Le décalage horaire est toujours là ! Et je pense à la course, aux araignées que les gars de l’équipe de tournage d’Alabama Productions nous ont montrées ah ah ! Oui, je sens qu’on va bien s’amuser hi hi ! Une espèce d’inconnu qui nous tombe dessus. Et chez qui va-t-on passer nos nuits ? J’ai tellement hâte. Et un peu peur aussi…
Allez, le briefing va commencer. Que la fête commence !
Jeudi 17 novembre 2016, 16h50, Mae Kha Piang, Thaïlande
Les Princesses ont pris la route ce matin. Hier, le briefing a été motivant et émouvant. Sébastien nous a parlé du balisage en rubans oranges avec motif noir attachés autour des arbres. Et nous avons récupéré nos sacs confort pour les nuits. Home made. Une magnifique attention et un joli souvenir à emporter à la maison.
La nuit a été courte. Mais je ne suis pas fatiguée. Un peu impressionnée par tout ce que j’ai entendu auparavant. Sissi a mal dormi.
Nous partons dans de petits sengteos pour rejoindre la ligne de départ. Dans la nuit. Quelques voitures. La ville est encore bien calme. Après un petit déjeuner frugal et rapide au café des runners de Chiang Mai, c’est parti. Enfin… c’est parti pour 2-3 kilomètres. Car surprise ! Une dizaine d’hommes en habit militaire nous stoppent dans la montée vers le temple. Que se passe-t-il ? Impossible de passer ici. Ils ont tous une mine sympa, ils rigolent, mais nous sommes bloquées. Ils aiment nous prendre en photo et nous montrer leur papier administratif où il est écrit qu’on n’a pas le droit de passer. Inutile de s’énerver ou d’insister. Demi tour. La journée s’annonce mouvementée.
Après avoir escaladé quelques barrières sur le campus universitaire, nous voilà de retour vers les hauteurs de la ville. Ca monte. Il ne fait pas encore trop chaud. Sissi avance vite. Je suis plus doucement. Je garde mon rythme. Je ne veux pas me faire exploser. Nous croisons des moines au bord d’une route. Un peu hallucinant. Les sentiers sont bons. Pas glissants. La mousson est terminée. Première rencontre avec la vie sauvage. Une araignée monstrueuse. Sa toile est gigantesque ! Ca promet de beaux face à face…
On arrive à l’entrée d’un village. Cela me rappelle tellement l’Indonésie… Tout est similaire. Les gens. Les maisons. L’école. Les poules qui se baladent au milieu de la rue en terre. Les enfants sont si mignons. Une petite fille nous fait des sourires incroyables…
Allons y. La montée vers les crêtes nous attend. Mais la descente se fait rapidement. Demi tour. Risque de se faire arrêter une fois de plus par les gentils messieurs en kaki… Ils veulent nous gâcher la fête ? Ils n’y arriveront pas ! Retour au point de ravitaillement et retour en mode frugal. Je dévore ananas, pastèques et chocolat pour le plaisir.
Jeudi 17 novembre 2016, 20h35, dans mon lit avec ma frontale pendant que les filles dorment, Mae Kha Piang, Thaïlande
Les jambes sont bonnes, j’ai mon petit rythme de croisière. La chaleur rend tout de même les choses plus difficiles. Mais comme nous n’avons que 31 km à parcourir, nous serons vite arrivées. Avant midi.
Les vues se découvrent petit à petit à nous. Du vert à perte de vue. Des feuilles de bananiers immenses. Le sentier se rétrécit et devient plus glissant. C’est un petit paradis. On entend l’eau, les insectes. Ca descend, ça galope. Les champs aussi. Avec quelques personnes qui travaillent. Souriant à notre passage. Sur les pistes aussi, les rares motos et voitures nous saluent et nous encouragent.
Sébastien nous avait indiqué un autre chemin sur la carte GPS. Nous le quittons à présent pour rejoindre la trace officielle. Un petit chien nous suit depuis un bon bout de temps. Il va s’épuiser le pauvre. Ce n’est pas que l’on va très vite mais quand même.
Peu à peu nous descendons. Les pieds ont séché depuis les derniers passages dans les ruisseaux. Nous rejoignons une route asphaltée en papotant. C’est celle du jardin botanique. Il fait vraiment très chaud à présent. Mais déjà nous sommes au point d’arrivée.
Pad thai, ananas, pastèque. Même régime ! Un délice après course. Et de l’eau, de l’eau, de l’eau ! Nous filons ensuite en sengteo pendant que les filles de la Queen of the Jungle reprennent la route. Nous, les Princess, rejoignons le village étape de Mae Kha Piang pour la nuit. Perdu au bord d’une cascade, de jolies maisons, des rizières d’un vert surprenant où les hommes terminent la récolte. La montagne se couvre de nuages. C’est si paisible.
Nous partageons quelques instants avec les habitants, mais le temps passe si vite. Douche à la bassine (froide) et diner à la bougie avec toutes les coureuses, l’équipe de tournage et l’organisation. Que dire de ce repas préparé par les gens du village ? Succulent comme toujours. Plein de saveurs, d’épices… De quoi affronter sereinement la journée de demain.
Je me sens tellement loin des préoccupations, loin de tout. Je suis là, à rire, à profiter de chaque instant et c’est tout ce qui compte à ce moment là. Je suis heureuse. Et j’ai hâte de rencontrer nos hôtes demain matin pour le petit déjeuner.
Vendredi 18 novembre 2016, 13h56, Kio Bua Ha, Thaïlande
Nous voici arrivées au milieu des rizières. Les maisons ont changé. Toits en tôle, murs en bois, sol en terre. Toute la journée, nous avons déambulé au coeur des montagnes.
Après un petit déjeuner nocturne chez notre famille dans la salle commune où cohabitent salon, garage, cuisine, salle d’eau, nous avons pris la direction du départ. Notre hôte avait préparé une omelette aux oignons, du riz et une soupe thai. Et je peux vous dire que ça passe bien même à 5 heures du matin !
Nous filons au lever du jour vers le temple. Jolie surprise. La lumière est encore douce et se reflète sur les statues dorées de serpents, de Bouddha. Le toit a presque dix pans décorés où se mêlent ardoises et tuiles comme des lauzes. La façade est sculptée en un millier de détails. Tel un clocher, la tour centrale a plusieurs étages en escaliers qui montent vers le ciel. Le rouge et l’or dominent. Il est vraiment sublime.
Rouge, tout comme la terre ce matin. Le vert est là aussi. Toujours. Le soleil est déjà là. Tôt. Mais nous sommes à l’abri jusqu’au premier village traversé sous l’ombre et la fraîcheur des bambous, des bananiers et de tous ces arbres immenses aux troncs et racines enchevêtrées et aux feuilles démesurées. Au village, les gens nous saluent, nous regardent un peu ébahis et impressionnés. Un homme avec une machette, un coupe coupe, fait un peu peur à Sissi quand il se dirige vers elle. Ca m’amuse ! Il voulait juste lui indiquer le chemin, ils sont adorables ces thaïlandais !
Le village du ravitaillement est incroyable. Vraiment typique. Nous dévorons des rondelles de pastèques au milieu de maisons aux toits de chaume surélevées. Cet endroit est si typique. Nous sommes vraiment perdues au coeur de la montagne. Les bambous sont partout. Pour soutenir les balcons, les murs. Les animaux côtoient les habitants. Et nous sommes toutes les deux au milieu de tout ça. Courir ici et gambader dans ces ruelles poussiéreuses a quelque chose d’exceptionnel. Un petit goût d’aventure et de bout du monde. Et toujours ces souvenirs d’Indonésie qui me reviennent… Mon village à Lombok était si similaire. L’adaptation est instantanée.
Nous passons à présent près de l’eau, c’est un cadre bucolique. Il y a comme des plumeaux au bord de la rivière, la végétation est surprenante. Et ces bananes partout ! Hummm… Le ciel est d’un bleu profond, ça tranche avec les rizières et les montagnes au loin.
Aujourd’hui, le sentier est plus technique. Il se rétrécit vraiment par endroit. Retour en jungle. Pour mon plaisir. Vraiment. Malgré les toiles d’araignée et le sol un peu glissant, j’aime cet endroit car il y fait moins chaud. Les troncs sont partout, est-ce des bambous ? Ils nous barrent le chemin. Je n’ai pas peur des insectes. Ils sont chez eux, je suis de passage. Alors qu’à la maison, c’est une toute autre histoire… Tout à coup, on ne voit quasiment plus le chemin, complètement englouti sous les feuilles trempées qui font un bien fou. Douche gratuite et refroidissement du corps bien désiré !
Après le ravito du Km 25, nous revoici à traverser des petits ponts de bois. Rapidement, la longue montée au sommet… Sous la chaleur intense… C’est difficile pour moi. Je marche à mon rythme. Je suis en surchauffe. Je fais très attention à ne pas essayer de suivre la miss Sissi qui galope facilement en montée. Nous croisons quelques hommes et femmes affairés aux champs. Sourires aux lèvres, ils nous encouragent. Il y avait aussi quelques géomètres qui nous prenaient en photo au passage ! J’ai tellement adoré aussi les mamies, femmes et enfants assis devant leurs maisons et qui nous criaient quelques mots incompréhensibles en levant le pouce !
Mais là. J’adore moins ce soleil brûlant. Les vues sont époustouflantes ce qui permet de garder le moral et le sourire. La terre redevient rouge ce qui tranche tellement avec le bleu du ciel et le vert des bas côtés. Les rizières en terrasse sont superbes. J’observe en m’arrêtant dès qu’il y a un peu d’ombre. Je me connais bien. Je sais que tout va bien mais qu’il faut faire attention. Lentement mais sûrement. Toujours.
Après le dernier ravito et ses délicieuses mangues séchées, la récompense. 7 km de descente ou presque vers la ligne d’arrivée du jour. C’est agréable de reprendre un rythme un peu plus soutenu. Ne lâchons rien. Les filles sont derrière. Hors de question qu’elle nous rattrapent ! Sissi m’a lancé le défi d’arriver avant elles aujourd’hui, de ne laisser personne nous rattraper ou nous dépasser. J’avoue y avoir pensé aussi dès le début dans un coin de ma tête, mais je ne voulais pas me mettre une petite pression inutile et ridicule. Mais le temps a passé et là il ne reste que 5 km donc je me prends au jeu. Et je crois que je ne veux pas la décevoir ma petite championne ah ah ! Finalement les premières arriveront 1h30 après nous, l’écart s’est creusé ravito après ravito. Défi réussi. Sissi est vraiment chouette et prend soin de moi. Je sais que cela ne doit pas être évident pour elle de m’attendre sans arrêt, elle fait des allers retours, c’est bien aussi, un bon entraînement. Et elle me motive. Merci Princesse !
Nous sommes à présent tranquilles au village. Douche glacée revigorante et réparatrice toujours aussi sommaire mais tellement agréable. Repas préparé avec amour par les villageois et partagé avec Sissi et Antoine. D’ailleurs les femmes ne font que ça depuis qu’on est arrivées. Préparer. Couper. Trancher. Emincer les légumes. Toutes ces couleurs. Toutes ces marmites. Cela laisse augurer une bien belle soirée…
A suivre…
3 Comments
Toujours génial à lire tes CR
Quelle chance tu as eu
Bisous
Merci Eric ! Une chance incroyable oui ! Un voyage inattendu et pourtant comme une évidence…
Toujours aussi captivant tes récits, hâte de lire la suite de ton aventure.